L’importance de l’analyse prévisionnelle dans une création d’entreprise
En création d’entreprise, il est courant de distinguer plusieurs étapes clés dans le parcours du créateur ou repreneur. Parmi ces étapes importantes figure l’analyse prévisionnelle.
Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, voici l’interview de Vincent Bureau, Conseiller Développement chez Cerfrance Isère-Drôme-Vaucluse.
1) Qu’est-ce que l’analyse prévisionnelle dans le cadre d’une création d’entreprise ?
Vincent Bureau : « L’analyse prévisionnelle est un document essentiel qui concrétise ce que signifie véritablement l’activité que le porteur de projet compte développer.
Ce prévisionnel formalise le modèle économique en intégrant également les chiffres liés aux aspects fiscaux, sociaux, juridiques du projet ainsi que les éventuelles aides, par exemple celles liées à Pôle emploi.
Mettre en chiffres son étude de marché
Il s’agit de mettre en chiffres son étude de marché :
- On détermine un besoin de chiffres d’affaires, via une analyse des coûts, une analyse des besoins en termes de rémunération, montant des charges sociales, etc.
- On établit son besoin de financement.
- On appréhende son besoin de trésorerie, surtout pour l’année 1, la plus délicate puisqu’on fait face aux dépenses, sans avoir encore l’ensemble des recettes.
L’analyse prévisionnelle est une co-production conseiller / créateur, c’est un document structurant, et l’aboutissement d’une réflexion personnelle.
Un document évolutif et inscrit dans la durée
Logiquement, c’est un document évolutif qui doit être mis à jour au fur et à mesure des avancées, des recherches d’information, réflexions sur le projet, conseils, etc.
Au départ, c’est normal de ne pas savoir exactement où on va, donc on inscrit des hypothèses, puis les choses s’affinent.
Le prévisionnel ne se fait d’ailleurs pas qu’en contexte de création d’entreprise. La plupart des entreprises s’appuient sur une telle approche dans la durée.
Il est courant de réaliser cette démarche annuellement pour faire des projections de résultats, évaluer les besoins en trésorerie, se fixer des objectifs, etc.
L’idéal est d’ailleurs de faire cet exercice à l’échelle de chaque projet au sein de l’entreprise, ce que font généralement les grands groupes.
Le plus important est que l’analyse prévisionnelle soit cohérente et vraisemblable. Elle est donc à travailler avec attention ! »
2) A quoi sert cette analyse prévisionnelle et quel est l’intérêt pour le créateur d’entreprise de la réaliser ?
Vincent Bureau : « L’analyse prévisionnelle est indispensable en création d’entreprise. Quel que soit le projet, je dirais qu’elle est à faire dans tous les cas !
Ce document va être structurant, peu importe le niveau d’engagement financier, avec ou sans recours au prêt, avec ou sans demande d’aides ou subventions, qu’on soit seul ou à plusieurs.
Son intérêt est multiple :
Permettre au créateur de s’approprier véritablement son projet :
Entrer dans le concret des chiffres est très bénéfique pour la posture d’entrepreneur.
Côté conseiller Cerfrance, nous donnons au porteur de projet des travaux à réaliser, notamment préparer des devis de différentes prestations prévues au business plan.
Ensuite, nous regardons ensemble les coefficients appliqués : temps de travail prévu, coûts matériaux, comparaison avec les concurrents, etc.
L’un des objectifs est que le créateur soit capable de présenter ses chiffres à la place du comptable.
Par exemple, j’accompagnais récemment un créateur dans la restauration / métiers de bouche, je lui ai demandé la fiche technique des menus avec les coûts appliqués sur l’achat des aliments, le prix final des menus, etc.
Eviter certaines « erreurs classiques » au démarrage d’une création d’entreprise :
- S’appuyer sur des coefficients incohérents, insuffisants,
- Sous-estimer ses coûts,
- Ne pas prévoir de Conditions Générales de Vente (CGV),
- Ne pas faire figurer dans ces CGV de réserves applicables à la variation de certains coûts, notamment matières premières, un aspect particulièrement important en ce moment…
Ces erreurs peuvent conduire le créateur à considérer que sa rentabilité future sera extraordinaire…
L’idée est de bien faire la différence entre Chiffres d’Affaires et Résultat net, ou autrement dit entre résultat comptable et revenu disponible.
Obtenir des financements et/ou aides à la création :
L’analyse prévisionnelle est un document demandé et analysé avec attention, notamment pour obtenir un financement bancaire ou pour les demandes d’aides à la création, par exemple via les plateformes locales d’entrepreneuriat comme le réseau Initiatives.
Choisir son régime fiscal :
Il s’agit notamment d’établir si l’on souhaite être imposé à l’IS (Impôt sur les sociétés) ou à l’IR (impôt sur les revenus), et si l’on a intérêt à être assujetti à la TVA ou non.
Cette question de la TVA se pose en particulier pour les créateurs de prestations de services aux particuliers. »
3) A quel stade de la création d’entreprise faut-il prévoir de réaliser l’analyse prévisionnelle et quelles informations faut-il réunir ?
Vincent Bureau : « L’analyse prévisionnelle est à conduire avant la création. En amont, elle implique d’être au clair avec :
- Son envie d’entreprendre, ses motivations
- Son business plan intégrant notamment l’étude de marché
Les éléments à réunir sont principalement les informations de l’étude de marché :
- Offres de produits / services / biens et tarifs
- Coûts et structure de coûts, incluant les investissements à prévoir : véhicule(s), locaux, rémunération, masse salariale, charges sociales, charges de structure, etc. »
4) Quels conseils pratiques donneriez-vous aujourd'hui à un entrepreneur au démarrage de son projet de création ?
Vincent Bureau : « Un premier conseil serait de bien travailler son étude de marché en amont. C’est souvent ce qui est moins bien fait, car c’est le plus dur…
Un conseiller Cerfrance expert en Création Reprise d’entreprise peut aider notamment sur cet aspect.
J’ai l’habitude de demander aux créateurs ou repreneurs que j’accompagne de partir d’une feuille blanche et d’écrire :
- Les prix envisagés pour leurs futurs produits / services
- Les coûts associés à leur activité
- Leur temps et budget personnel: temps qu’ils projettent d’attribuer à leur entreprise, besoin de rémunération, droits Pôle Emploi éventuels. Ces aspects impliquent pour eux de bien échanger avec leur entourage, notamment au niveau du foyer.
L’objectif est de construire une matrice avec un point de rentabilité et d’en déduire le besoin en Chiffre d’Affaires associé.
Un autre conseil me paraît clé : bien prendre le temps, cela se façonne généralement en 3-4 entretiens de visu, ponctués d’échanges au gré du travail et de la maturation du projet. »
5) En quoi travailler sa création d’entreprise avec un conseiller Cerfrance peut-il aider ?
Vincent Bureau : « L’intérêt principal est que l’on n’est plus seul avec son projet…. On est dans la co-construction et on profite de l’expérience du conseiller.
Il s’agit de bénéficier de la dynamique vertueuse issue de l’échange entre « garant du chiffre » et professionnel créateur d’entreprise.
Le conseiller Cerfrance aide aussi à bien repérer les frais fixes liés au projet, à faire des rapprochements avec des référentiels par métiers, par secteurs, pour bien affiner le prévisionnel.
Son rôle est aussi de repérer les points éventuels de fragilité, pour pouvoir alerter si besoin, et inviter le créateur à creuser certains points parfois passés au second plan alors qu’ils ont toute leur importance.
Enfin, le conseiller aide à se projeter. C’est un interlocuteur précieux pour partager et bien échafauder son projet. »
Interview réalisée le 11 février 2022.